Résidence principale
Le visage des quartiers de Nantes a changé. Avec ses 270 343 habitants, la cité des ducs est la 6ème ville la plus peuplée de France. Mais ces dix dernières années, la loi SRU et les politiques de l’habitat ont fortement remanié son paysage urbain dans certains quartiers, avec la construction de logements. A quoi ressemble cette transformation ? La nature de ces logements a-t-elle évolué entre 2006 et 2012 ? En dépit des efforts politiques pour tenter de rééquilibrer les écarts, des disparités subsistent. Les cartes interactives qui suivent dessinent plusieurs tendances. On y observe d’abord la croissance des logements par quartiers, puis le déplacement géographique des logements locatifs d’un quartier à l’autre, qui en dit long aussi sur l’accession à la propriété. Un dernier chiffre interpelle : celui des résidences secondaires et des logements occasionnels. Selon l’INSEE, il a augmenté de 64 % entre 2007 et 2012, révélant de nouvelles façons pour sa population « d’habiter » Nantes. Les jeunes retraités qui rejoignent le littoral ou « nouveaux pauvres » ayant opté pour le « tourisme fiscal » au Portugal pour payer moins d’impôts sont deux éléments qui permettent de mieux comprendre notre dernière carte.
Cette carte illustre l’évolution des logements par quartier à Nantes de 2006 à 2011. Le quartier Ile de Nantes est le premier quartier à avoir le plus évolué. En passant de 9086 à 10480, une évolution qui augmente de plus de 15%. La quartier Doulon Bottière est le deuxième quartier, après Ile de Nantes, à avoir le plus évolué, il est passé de 13 669 logements en 2006 à 15 457 en 2011. Soit une évolution de 12%. A eux-seuls, ils concentrent 32% de la croissance des logements de la ville de Nantes sur cette période en lien direct avec la politique des Zones d’Aménagement Concerté. Les ZAC sont des zones à l’intérieur desquelles la collectivité publique intervient pour réaliser des équipements publics (eau potable, égouts, routes, écoles, maisons pour tous …) en vue d’aménager des terrains qu’elle a acquis ou qu’elle acquerra, pour les céder ensuite à des utilisateurs publics ou privés. Par exemple, l’Ile de Nantes a vu se créer l’éco quartier de la Prairie au Duc avec 3000 habitants quand La Bottière Chênaies accueille aujourd’hui 5000 habitants pour 2000 logements sur 35 hectares.
Les secteurs qui ont gagné le plus de logements locatifs sont iIe de nantes (+20%) Breil Barberie (+15%) et Nantes Nord (+15%). A titre d’exemple Nantes nord a gagné 1140 logements locatifs sur 5 ans et l’Ile de Nantes 1160.
Ile de Nantes passe en 2006 de 5911 logements locatifs à 7071 et Brel 5454 en 2006 pour 2011 6272. Ce sont aussi ces quartiers qui évoluent le plus en terme de logements sociaux. L’Ile de Nantes gagne +15% de logements sociaux et Brel +21%.
Cependant les Dervallières et Bellevue, qui abritaient les plus de HLM à Nantes ont perdu respectivement 12% et 8 % de ce logements sociaux.
Pourquoi une telle augmentation sur l’Ile de Nantes et Breil, en terme de logement sociaux ? Tout dépend des possibilités foncières selon Patrick Pailloux « des quartiers comme Brel et il’Ie de Nantes ont la place d’accueillir de nouvelles constructions ». Et les ZAC ont été dessinées dans cet esprit de rééquilibrage.
Ces chiffres démontrent néanmoins que le rééquilibrages des quartiers de Nantes en termes de logements sociaux, voulus par élus, n’est pas si facile à réaliser concrètement. S’il passe indéniablement par le nouveau quartier de l’Ile de Nantes, il reste aussi principalement confiné au nord de la ville. Ces chiffres tendraient à revenir à l’avenir vers le centre-ville avec la ZAC Mellinet en gestation à deux pas de la gare.
Entre 2006 et 2011, à Nantes, le nombre de résidences secondaires a augmenté de 65 %. Un bond étonnant qui mérite un focus.
En cinq ans, Nantes est passée de 2 850 à 4 710 logements secondaires ou occasionnels* en même temps qu'elle gagnait 9 950 logements au total. Pour Loïc Cantin, président de la FNAIM, l'explication est évidente : il s'agit d’exil fiscal. Des contribuables domiciliés à Nantes décideraient, en effet, d’investir à l’étranger, faisant donc passer leur résidence principale nantaise en résidence secondaire. « C’est un vrai phénomène d’évasion fiscale qu’on a du mal à mesurer », explique Loïc Cantin. « En 2014, en France, 40 000 ménages auraient émigré vers le Portugal. On estime qu’il pourrait y en avoir environ 400 en Loire Atlantique, et tout cela à cause d’avantages fiscaux très intéressants ».
Le principal avantage, le voici. Prenons l’exemple d’un Français qui achèterait un appartement au Portugal. S’il occupe cet appartement pendant 6 mois et 1 jour, il se verrait exonéré d’impôts pendant… 10 ans ! Une aubaine fiscale, donc, qui ne semble pas échapper aux Français et, dans ce cas précis, aux Nantais. « Ce phénomène existe depuis un moment, mais les politiques ne veulent pas s’en occuper. On est face à un fléau qu’on laisse progresser, les bras croisés », explique Loïc Cantin.
Se loger pour travailler
Autre facteur important, qui justifierait cette augmentation remarquable des résidences secondaires à Nantes : l’évolution des conditions de travail.
C’est Patrick Pailloux, directeur d’étude et de développement à l’AURAN, qui évoque ce phénomène : « les lieux de travail sont aujourd’hui souvent séparés de la résidence principale », explique-t-il. « Par exemple, une famille qui réside à Poitiers à l’année. Un des parents peut être amené à travailler à Nantes. Si c’est le cas, cette personne devra louer un logement dit « occasionnel » ». Les logements occasionnels sont compris dans les résidences secondaires, posant d’ailleurs un problème de comptabilisation des véritables résidences secondaires aux dires du directeur lui-même.
Loïc Cantin et Patrick Pailloux se rejoignent sur un point : les papy boomers arrivent sur le marché. Beaucoup de retraités, très nombreux, achètent par exemple un logement sur la côte et font passer leur maison nantaise en résidence secondaire. Ce qui leur permet souvent, au passage, de payer moins d’impôts. Les retraités semblent donc un élément important de cette transformation du paysage urbain nantais, sur le plan des résidences secondaires.
*Typologie : Les données de l'Insee, issues des déclarations de la population lors du recensement, a le désavantage de confondre dans une seule et même colonne logements secondaires et occasionnels. Mais il n’existe pas d’autre type de comptage pour mesurer l’état du résidentiel secondaire dans les villes...
Le projet Hyblab est un projet de datajournalisme mettant en action différents étudiants de Sciences Com, Polytech et de l’AGR, école de l’image.
Pour ce projet, Presse Océan s’est entouré des personnes suivantes :
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